Chapitre 5

La Messe et le Purgatoire

Il est très important de faire, dès le début, une distinction entre les doctrines que le Christ a révélées et celles établies seulement par l'Eglise de Rome. Le chrétien évangélique accepte les premières, mais il ne peut reconnaître les autres. Les catholiques romains confondent inévitablement ces deux catégories et ac­ceptent innocemment le tout comme venant de Dieu. Ils n'hésitent pas, par exemple, à croire que les doctrines concernant la messe et le purgatoire soient des dogmes de foi prêchés par les Apôtres et révélés dans les saints Evangiles. Alors qu'en réalité, la messe et le purgatoire sont de simples inventions de Rome. Nous ne trouvons rien dans les enseignements de Jésus-Christ, qui justifie de telles croyances. Il importe donc d'étudier ici, ces deux fausses doctrines qui jouent un rôle si prépondérant dans la vie du catholique romain.

D'après le catéchisme romain, la messe serait le renouvellement réel et actuel du sacrifice du Calvaire, offert sur l'autel, d'une manière non sanglante, par un prêtre. La messe romaine et le Sacrifice du Sauveur sur la Croix, auraient une valeur spirituelle infinie. La messe l'emporterait sur le Calvaire en ce que celui-ci est un événement du passé, tandis que celle-là est un beinfait propitiatoire infini du présent. Rome concède, cependant, parce qu'il serait gênant de prétendre autrement, que le Calvaire est tout aussi précieux que la messe. Mais, la messe demeure tout aussi précieuse que le Calvaire, aux yeux de ces imposteurs.

Je ne voudrais pas confondre mes lecteurs par de longues dissertations théologiques, sur ce sujet. Je puis dire simplement, que d'après Rome, le prêtre est un autre Christ, et peut faire de l'autel ce que Jésus a accompli au Calvaire. D'abord, il aurait le pouvoir de changer la substance du pain et du vin, au corps et au sang du Sauveur. Il serait facile alors, de sacrifier encore ce Christ réssuscité, par une parole magique et par certaines cérémonies liturgiques. La preuve? Elle est évidente, claire et indisputable, déclarent sans rougir, les théologiens de Rome. Voyez, n'est-ce-pas que le Christ a dit à ses Apôtres?:

"Faites ceci en mémoire de moi."

Disons d'abord, que la mémoire d'une personne ou d'un événement ne comporte pas la présence actuelle de cette personne ou le renouvellement réel de l'événement. Je puis dire de la photographie de ma mère "Ceci est ma mère. Je la garde en mémoire d'elle."  Personne ne croira que cette reproduction photographique est réellement et actuellement le corps, le sang et la personne de ma mère. Tous comprendront que cette photo est en mémoire d'elle, et que la mémoire d'une personne ne la rend pas physiquement présente à nos yeux.

Mais, même si nous admettions faussement que le Christ soit actuellement et réellement présent sur les autels romains, il resterait la difficulté de prouver qu'il s'immole de nouveau, tout comme au Calvaire. Jésus­Christ s'est offert une fois pour toutes et cette oblation ne peux pas se renouveler. C'est S. Paul qui nous l'assure:

"Et tandis que tous les prêtres sont là chaque jour pour remplir leur office et offrir à maintes reprises les mêmes sacrifices à jamais impuissants à enlever les péchés, lui après avoir offert un sacrifice unique pour le péché, s'est assis pour toujours à la droite de Dieu.. . .

C'est, en effet, par une oblation unique qu'il a rendu parfaits pour toujours ceux qui sont sanctifiés."- (S. Paul, Héb. X, 11-15).

Notons bien encore une fois, que ce texte évangélique, comme tous ceux cités dans ce volume, est tiré de la Bible approuvée par Rome, celle du chanoine Crampon. Le pape reconnaîtrait donc, avec S. Paul, que le Christ a offert une oblation unique et suffisante et que les prêtres en offrent tous les jours, mais elles sont impuissantes à enlever les péchés. Mais, pourquoi ne pas l'avouer ?  Il dit encore que la messe est le renouvellement du sacrifice du Christ; non pas une mémoire, mais la réalité; non pas une pieuse cérémonie à valeur limitée, mais une oblation du Sauveur à valeur infinie. D'ailleurs, puisque le Christ, comme dit S. Paul, par une seule oblation a rendu parfaits les croyants... et cela pour tous les temps, il ne peut plus être question d'autres sacrifices pour la rémission des péchés. La messe est donc non seulement inutile, mais une abominable imposture de l'Église de Rome. Ce n'est qu'en.1215, au concile de Latran, que la messe fut déclarée officiellement par l'Église, être un renouvelle­ment du sacrifice du Christ. Les Apôtres et les premiers chrétiens, qui n'avaient jamais entendu parler d'une doctrine si étrange, et qui étaient alors décédés depuis plus de mille ans, auraient gémi dans leurs tombeaux, s'ils avaient pu entendre une proclamation si sabotageuse des enseignements chrétiens.

Les Apôtres célébraient la communion du pain et du vin en mémoire du sacrifice de Jésus, comme il leur avait enseigné. Le pain représentait le corps de Jésus, broyé sur la Croix, et le vin était le symbole de son sang versé pour nos péchés. C'est ce que font les pro­testants évangéliques aujourd'hui. Comme les Apôtres, ils savent bien Que la sacrifice réel du Christ est suffisant et ne peut pas se renouveler. Il n'y a que l'Église de Rome qui s'est départie de ces vérités chrétiennes en inventant la messe.

Maintenant, il faut dire un mot du purgatoire. Ce serait un lieu où les âmes des justes souffrent dans un feu ardent, afin d'expier la peine temporelle due à leurs péchés, avant d'entrer en paradis. Encore ici, les Apôtres en n'ont jamais parlé ni n'en trouvons-nous de traces dans l'Évangile. C'est une vieille idée paienne et l'Église de Rome l'a officiellement acceptée en 1215. En cette année mémorable, il y eut de solennelles épousailles au Latran. La messe devint la chaste épouse du purgatoire. C'était un mariage officiel, mais il n'en restait pas moins, illégitime, sacrilège et anti-scripturaire. Mais le pape se soucia guère de ces difficultés techniques. Ce couple reçut les meilleures bénédictions papales, et il fut fécond. Aujourd'hui, ce couple peut compter par millions les rejetons financiers qu'il a produits. Jamais, dans l'histoire de l'humanité, avons nous vu deux inventions ou deux produits commerciaux qui ont rapporté tant de millions de dollars, que l'union de la messe et du purgatoire. Mais n'anticipons pas.

Il serait plus facile de prouver par les saintes Écritures, que les anges ont actuellement des ailes de plumes que de démontrer l'existence du purgatoire. En effet, les Écritures prouvent la non-existence de ce lieu. L'Église de Rome enseigne qu'il faut aller au purgatoire après avoir été absout par le prêtre; que nul ne peut entrer en paradis avant d'avoir expié la peine tem­porelle due au péché.

Mais, voyons donc ce qui se passa au Calvaire. Le bon larron qui avait vécu dans le péché, mais qui au dernier moment remit le soin du pardon de ses péchés entre les mains de Jésus, reçut cette promesse du Sauveur:

"En vérité je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis." (S. Luc, XXIII, 43) Jésus-Christ, en pardonnant cet homme, aurait oublié de l'envoyer au purgatoire pour expier la peine temporelle due à ses péchés... Si ce pécheur pardonné est allé au purgatoire, il n'est pas resté longtemps. Jésus l'a dit, il est entré au ciel le jour même de sa mort. Aujourd'hui, la durée dans ce lieu de supplice semble un peu plus longue. Il n'est pas rare pour un curé d'annoncer une messe payée, pour le repos de l'âme d'une dame de Sainte Anne, lors du dixième anniversaire de sa mort. Et pourtant, c'était une sainte âme, une qui avait probablement gagné beaucoup d'indulgences, recité plusieurs chaplets et décédée ointe des saintes huiles romaines.

Le fait est que le salut est gratuit et que l'expiation des péchés a été accomplie, une fois pour toutes, par le Sauveur Jésus. La doctrine romaine de mériter son salut et d'expier ses fautes par la souffrance, est absolu­ment contraire à l'Évangile. Cette doctrine scandaleuse et anti-scripturaire fut inventée par Rome pour justifier la messe et le purgatoire. Nous verrons maintenant les raisons profondes qui ont poussé Rome à célébrer, avec tant de joie, l'alliance entre le purgatoire et la messe, en 1215.

Nous savons que l'Église catholique encourage les gens à faire dire de nombreuses messes pour le repos des âmes de leurs parents et amis. D'un côté, elle en­seigne qu'une seule messe a une valeur infinie et, par­conséquent est capable, en elle-même, de délivrer toutes les âmes du purgatoire. De l'autre côté elle s'écrie "Faites dire des messes, faites dire des messes." Mais, si une messe a une valeur infinie, pourquoi alors en payer plusieurs? Rome a une réponse; elle est très bonne car nous ne pouvons pas la vérifier. Ecoutez, mes amis, la réponse intéressée d'un théologien romain:

"Il faut continuer à faire dire des messes, car ça dépend de la volonté Dieu d'appliquer en entier ou en partie, la valeur infinie d'une messe."

Les prêtres offrent en vente des messes à valeur infinie, mais ne peuvent garantir si elles seront actuelle­ment même utiles aux âmes en faveur desquelles elles sont payées. Dans la vie commerciale lorsqu'un agent essaye de vous vendre un produit valant mille dollars, dit-il, mais pressé d'expliquer davantage, il admet qu-il ne peut garantir que l'objet vaille même un dollar, vous appeliez ça simplement une fraude. Il y a toutes sortes de fraudes, même de saintes fraudes. L'explication du théologien romain, donnée plus haut est très subtile et satisfait ordinairement le catholique docile. Mais, la réponse correcte qu'il ne veut pas publier est celle-ci: deux, trois... dix messes rapportent plus en rémunérations financières qu'une seule messe.

Et que dire des messes dites perpétuelles? D'après Rome, il y aurait des âmes condamnées au purgatoire jusqu'à la fin du monde. De là vient l'encouragement aux riches et aux puissants de laisser assez d'argent dans les coffrets sacerdotaux, pour au moins une messe L'an, pour le repos de leurs âmes, jusqu'à la fin des temps. Des rois et princes du Moyen âge ont succombé à cet appât papal, et ont droit maintenant à une messe annuelle pour le soulagement de leurs âmes au purga­toire. Des milliers d'autres ont laissé leurs fortunes à l'Église pour des messes perpétuelles qui aideraient leurs âmes dans les siècles futurs. Tellement d'argent et de biens matériels furent, amassés qu'il n'y avait pas assez de prêtres au monde, pour remplir les obligations acceptées par Rome, de célébrer tant de messes et de soulager tant d'âmes dans le purgatoire. Un pape plus moderne a vite trouvé une solution à ce problème. Il demanda aux prêtres de dire trois messes de "requiem" le deux novembre de chaque année dont l'une devra être une contribution vers cette dette romaine monumentale.

Pour encourager les fidèles à verser des sommes de plus en plus considérables pour le paiement de messes pour les âmes du purgatoire, Rome se sert de multiples moyens. Il y a d'abord l'usage des sentiments humains pour attirer la pitié des survivants. Qui de vous laisseriez l'âme de votre chère mère ou de votre épouse chérie, souffrir dans un feu ardent? Qui oserait lui refuser la délivrance pour la modique somme de cinq dollars.

Puis, il y a le mois des morts, les services annivers­aires et les messes grégoriennes. Il y a aussi la publica­tion approuvée de volumes traitant des apparitions fictives des âmes du purgatoire. Mais le moyen le plus commun et le plus productif, est encore celui de faire usage des sentiments humains, peut-être de la crainte ou de l'orgueil. Le curé annonce du haut de la chaire, les grand'messes payées, qu'il va chanter durant la se­maine. Que va faire le pauvre cultivateur qui vient de perdre son épouse? Il doit faire chanter des messes au moins à chaque mois à la suite de la mort de son épouse, autrement il serait accusé d'avoir oublié trop tôt la compagne de sa vie. Des basses messes ne suf­firaient pas, car celles-ci ne sont pas annoncées en chaire et les paroissiens n'auraient aucun moyen de savoir que le mari en deuil n'a pas encore oublié sa femme.

Pour encourager les paroissiens à payer des messes, le curé va parfois faire un bon sermon sur le purgatoire, le meilleur de l'année. Il y ajoutera des anecdotes con­cernant des apparitions mystérieuses des âmes du purgatoire et finira par ces paroles qu'il prétendra être celles des âmes du purgatoire, mais qui s'appliquent plutôt au prêtre qu'aux âmes:

"Ayez pitié de moi, vous du moins qui êtes mes amis."

Le vieux chanoine Garon, de pieuse mémoire, curé de Saint-Victor de Beauce, annonça un dimanche, qu'il allait chanter une messe pour sa mère à l'occasion du trente-unième anniversaire de sa mort. Je lui demandai s'il ne croyait pas que sa mère, une excellente catholique, était rendue au ciel, après tant d'années au purgatoire. Voici ce qu'il répondit:

"Sans doute qu'elle est au ciel. Mais en an­nonçant une messe pour ma mère, si longtemps disparue, cela encourage mes paroissiens à faire de même et à payer des messes pour leurs parents décédés même depuis longtemps."

Une bonne vieille canadienne-française de Montréal, aussi patriote qu'elle était bonne catholique, me confia, un jour, qu'elle avait payé une messe pour le repos de l'âme de Samuel de Champlain, fondateur de la ville de Québec, en 1608. Elle était native de Québec.

Une autre fois, un bon curé me montra sa nouvelle voiture, en ajoutant avec un sourire moqueur : "Voila l'automobile que les âmes du purgatoire m'ont achetée." Ces "bonnes âmes souffrantes" n'ont pas fait ce cadeau à un seul prêtre, mais à des milliers d'autres. Elles ont même construit la basilique de Saint-Pierre, à Rome. En effet, c'est par la vente des indulgences applicables aux âmes du purgatoire, que l'argent fut obtenu pour la construction d'un tel édifice.

Mais, c'est à l'occasion des funérailles que les âmes du purgatoire sont plus généreuses et comblent les prêtres de bienfaits financiers les phis attrayants. Une âme chère vient de disparaître de ce monde. Elle est maintenant souffrante dans une prison de feu, diront ces mercenaires de Ronge. Allez-vous lui refuser votre assistance? Allez-vous lui montrer votre indif­férence en lui payant qu'un service de deuxième classe? En tout cas, Rome va profiter de votre peine naturelle en cette pénible occasion, pour extraire de vous, comme des autres, tout l'argent qu'elle peut. Voici ce qui arrive.

a) Avant Les Funérailles

Pas de fleurs, les amis, pas de fleurs; c'est une coutume païenne, dira le curé. D'ailleurs, le curé ne vend pas de fleurs. Il les permettra, à contre gré, si le lieu et les circonstances l'exigent. Mais, ce qui est beaucoup mieux, est de placer, près du cercueil, des cartes mortuaires portant la signature d'un prêtre comme preuve qu'un certain montant d'argent a été versé à Monsieur l'abbé, préférablement au curé du défunt, pour la célébration future de certaines messes pour le repos de son âme. C'est pendant que ces cartes mortuaires se multiplient près des restes mortels du cher disparu, que ses parents, foudroyés par une peine naturelle profonde, doivent maintenant aller au pres­bytère, pour faire les arrangements nécessaires pour les funérailles. Voici, dira le curé, non sans savoir la condition financière des parents éprouvés, la liste des classes et des prix des funérailles de cette paroisse. Cette liste est parfois assez longue et compliquée et nous y reviendrons plus loin. Mais, sur les instances discrètes du prêtre qui leur rappelle la générosité du défunt et les services qu'il a rendus aux siens, les parents éplorés, choisiront problement un service -de première classe. Ils payeront d'avance, et la veille des funérailles, le carillon de l'église paroissiale, tintera ce soir là, le glas funèbre solennel qui n'est pas accordé aux services de deuxième classe.

b) Durant les Funérailles

Que ces funérailles soient de première ou de cinquième classe, les prêtres (le lionne savent bien, tout de même, que le défunt a des parents et des amis qui déplorent sa mort et aimeraient à lui être utiles. Rien de plus facile. Voici les assiettes et déposez-y votre argent pour des messes pour le repos de son âme.

Les funérailles sont à peu près l'unique occasion où le curé n'est pas fâché de voir les protestants assister à une cérémonie religieuse dans son église car il sait que ceux-là sont assez naïfs parfois pour déposer des billets de banque dans la plateau écelésiastique, en cette occasion, de peur de passer pour des poltrons et des sans-coeurs.

c) Après les Funérailles

Il y a alors les nombreuses messes qu'il convient de faire chanter et dont nous avons parlé plus haut. Puis le service anniversaire qui peut être aussi dispendieux que le "service sur corps," si les parents le désirent. Il y aura encore glas funèbre, église drappée de noir, une imitation de cercueil recouvert d'un drap mortuaire, tout comme vous le voulez ou comme vous le pouvez, car il faudra payer en conséquence. Autrement, il n'y aura rien du tout. Le curé n'est pas même obligé d'avoir une pensée pour votre disparu, au memento des morts, durant sa messe, ce jour là. Mais, quelques billets de banque feraient toute la différence au monde. Alors, il donnerait ses services cléricaux pour le soulagement de l'âme de votre cher disparu, détenue dans le purgatoire.

Mais, nous voulons en finir bientôt de ce sujet dégoûtant. Cependant, nous avons promis au lecteur un aperçu général des tarifs et autres conditions des différentes classes de funérailles dans les églises cath­oliques. Ces tarifs et conditions varient d'après les règlements des diocèses et les coutumes des paroisses. Mais nous avens en vue ici une paroisse moyenne du Québec, qui se donne le luxe de quatre classes de funérailles.

1. Funérailles de Première Classe

Elles auront lieu à dix heures du matin. Les trois autels seront presque complètement recouverts de draps noirs ainsi que le sanctuaire et la nef. L'église sera assombrie par de longues draperies noires qui cacheront les fenêtres. Il y aura messe avec diacre et sous-diacre, et les officiants seront vêtus d'ornements les plus précieux. Il y aura même des messes aux autels latéraux. Le catafalque sera entouré de nombreuses chandelles. La chorale des Dames de Sainte-Anne ou peut-être celle du couvent se chargera des frais du chant. En tout cas, le "libera" sera probablement rendu en parties. Ce service coûtera environ cent dollars et peut-être plus, si l'on fait étendre, de la balustrade jusqu'à la porte de sortie, le nouveau tapis noir récem­ment acquis par la Fabrique.

2. Funérailles de Deuxième Classe

Ce service aura lieu à neuf heures, peut-être à dix heures, si un curé conciliant le permet. Le beau tapis noir restera roulé dans une armoire de la sacristie. Les vêtements liturgiques des célébrants seront un peu moins riches et les assistants pourront remarquer l'absence de certaines banderoles noires qu'ils avaient vues, la semaine précédente, au service du docteur Pichot. Il y aura moins de chandelles allumées, mais c'est un beau service tout-de-même. Il ne coutera que $75.00 et même $60.00, si le célébrant n'est pas accom­pagné d'un diacre et d'un sous-diacre.

3. Funérailles de Troisième Classe

Elles auront lieu à huit heures du matin. Seul le maître autel est recouvert d'étoffe noire. La chasuble noire du célébrant sera de tissure bien commune. Un organiste volontaire et deux ou trois chantres seront au jubé. L'un d'eux vient de la paroisse voisine et est ami du défunt. Le célébrant n'aura ancun assistant sinon un enfant de Choeur qui, au moment de l'absoute, a oublié la navette d'encens dans la sacristie. Ce service coûtera trente ou quarante dollars.

4. Funérailles de Quatrième Classe

Ce service est assez rare dans les paroisses rurales. Qui voudrait, en effet passer pour avoir si peu d'amour, aux yeux de toute une paroisse, pour un parent défunt? Il sera célébré à l'heure ordinaire de la messe quoti­dienne, à sept heures probablement. Il n'y aura de noir que la chasuble commune du célébrant et le vieux drap mortuaire acquis par la Fabrique en 1892. Seul, le bedeau sera au jubé, et chantera ce qu'il pourra. Ces funérailles ne couteront que $15.00 ou peut-être $16.00, si le curé désire recompenser son bedeau pour ses efforts. Celui-ci d'ailleurs, doit se hâter, après ces funérailles matutinales et sommaires, d'enlever les rustiques chevalets qui ont servi de catafalque, et de changer le voile du tabernacle, pour le mariage qui suivra immédiatement. C'est cette dernière cérémonie qui le préoccupe le plus, car on lui a demandé de chanter "Prends ma couronne, je te la donne, au ciel, n'est-ce pas, tu me rendreras," et il n'a pas encore pratiqué ce numéro avec l'organiste.

Il y a des services funèbres qui coûtent beaucoup plus cher que ceux mentionnés ci-dessus. Des funé­railles de première classe dans une basilique ou dans une grande cathédrale counteraient plusieurs centaines de dollars. La présence d'un seul chanoine au Choeur vous coûterait dix dollars. Et si vous désirez avoir la présence de tous les douze, alors vous payez cent vingt dollars seulement que pour avoir la consolation de voir ces vieux prêtres retirés et récompensés d'un peu de rouge, réciter leur bréviaire au sanctuaire, durant les funérailles. Et vous avez encore à régler avec le curé, les frais proprement dits du service funèbre. Que ce soit un service des plus solennels ou un des plus modestes, il y a toujours une quête de première classe à ces funérailles.

Il est bien regrettable d'avoir à souligner ici, que l'Eglise traditionnelle de notre peuple, semble vendre ses bienfaits spirituels en petite ou en grande propor­tion, selon le montant minime ou imposant versé dans la poche de ses prêtres. Et même si nous concédions que Rome ne vende pas les bienfaits spirituels, mais seulement que les solemnités extérieures, il reste tout de même que cette distinction entre pauvres et riches, dans les funérailles romaines, est un scandale des plus honteux.

Un paroissien très pauvre meurt. Le gueux in­fortuné aura un service de quatrième classe sans aucune marque de deuil dans son église paroissiale. Il a peut­être contribué de ses mains à la construction de cette église, assisté régulièrement aux offices paroissiaux, mais parce qu'il est pauvre, on l'enterre sans trop de cérémonies liturgiques.

Par contre, voici un riche commerçant de bois qui meurt. L'on est pas même certain s'il a fait ses pâques. Il assistait à la messe périodiquement pour ne pas nuire à son commerce, surtout aux yeux des Soeurs du couvent qui étaient ses meilleures clientes. Unique­ment à cause de son argent, il aura un service de première classe, avec toutes les pendrioches noires que la Fabrique possède. Il y aura messe solennelle chantée par Monseigneur Le Gros, assisté du vicaire et du curé voisin. Les messes aux autels latéraux seront dites par deux prêtres du séminaire, grands amis du com­erçant et surtout de son argent. La chorale du uvent rendra une messe de "requiem" en parties; en partie, par sympathie pour le père défunt d'une ancienne élève, et en partie, par espoir que la veuve déplorée et reconnaissante, oublira le paiement d'une récente commande de bois de chauffage, donnée par les bonnes Soeurs.

C'est déja assez mal pour les prêtres de profiter de peine naturelle des survivants, pour extraire d'eux des sommes considérables, en vue de soulager les âmes leurs chers disparus, dans un purgatoire imaginaire. ais tous les paroissiens ne sont pas présentement dans le deuil. L'Eglise de Rome pense à eux aussi, et à trouver des raisons "très louables" pour les faire payer es messes. Il y a les messes en l'honneur de tels rots qui les protègent, les messes d'actions de grâces, les messes pour la pluie ou pour le beau temps et les messes pour conjurer les insectes nuisibles. Lorsque j'étais vicaire à Saint-Jean-Baptiste, au Manitoba, un curé d'une paroisse voisine, ramassa un montant d'argent assez considérable de ses paroissiens, pour une Messe solennelle, en vue de chasser les millions de sauterelles, qui menaçaient les récoltes. Les pauvres, inquiets et troublés par ce fléau, donnèrent généreusement. Les blés dorés furent néanmoins dévorés par ces insectes destructifs, les cultivateurs furent frappés de pauvreté et le curé fut le seul à profiter de la présence des sauterelles.

Un autre curé de ma connaissance, ramassa un joli montant de ses paroissiens pour aller célébrer, à Sainte-Anne-de-Beaupré, une messe à leurs intentions, sur un autel privilégié de la bonne Sainte Anne. Mais, avec la compagnie de sa pieuse ménagère, il se diriga vers New-York plutôt, et prit chambre dans un hôtel distingué de cette métropole sous les noms de "Monsieur" et de "Madame". Les paroissiens attendent encore les bienfaits spirituels de cette messe privilégiée. La jeune femme venait de quitter la vie religieuse et, apparemment était plus intéressée à la vie bruyante d'une grande ville, qu'à celle de la "bonne sainte Anne".

Mais pourquoi continuer? Les catholiques naïfs continueront probablement à payer des messes à la satisfaction cinique des prêtres de Rome. S'ils refusent de croire l'expérience d'un ancien prêtre, il est pourtant difficile de comprendre qu'ils méprisent les avertis­sements de Saint Pierre lui-même, à moins que leur curé n'ait jamais cité ses paroles du haut de la chaire.